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La malchance semble poursuivre Frédérick Fischer. Le sommeil artificiel, au lieu de le remettre en forme, l’a rendu temporairement impuissant. « Temporairement » : c’est ce qu’il se répète sans cesse afin de se rassurer et c’est précisément ce que le docteur Vanna Dumont, qui fut à deux doigts de devenir sa maîtresse, lui a dit.

Maintenant il est dans sa chambre à tourner et se lamenter sur son sort en écoutant un vieil album de Bob Dylan.

Fischer repense à la manière dont tout a commencé, dans ce Night club à Berlin.

Il fallut qu’un samedi soir il remplace un ami : Rolf, D. J. au Venus Palace. Un samedi comme un autre, oui. Sauf que, comme en ce temps-là Frédérick Fischer était accro au mauve martien — la drogue à la mode dans les discothèques — il a accepté d’animer la soirée pour une poignée d’Euros, l’équivalent de trois doses.

L’ambiance est cool. Les mecs planent, les filles sont en chaleur, les consos filent bon train, tout va bien. Et il a fallu qu’il matte dans la foule, histoire de voir s’il ne reconnaît personne. Manque de pot, sur qui il tombe. Ach ! So ! les mondes sont petits ! La grande soeur Érika avec un type, et pas son russkof de mari !

Il laisse donc ses platines sous le contrôle de MIX Master Junior l’ordinateur de la boite et il va dire un petit bonsoir à la soeur.

« Salut ! Sœurette ! Tout va comme tu veux ?

— Tiens ! Ludovick. Tu as quitté ton club de vacance Martien ? » Et puis montrant le type avec qui elle est : « Je te présente Pierre Ivanovitch. Pierre, je te présente mon frère Frédérick Ludovick Fischer, le meilleur des animateurs des mondes civilisés !

— Enchanté », répond Frédérick et le type les abandonne un moment pour aller rejoindre une black en cuir noir portant une perruque blonde.

« Où est passé ton mari ? demande ensuite Frédérick, engageant la conversation.

— Je l’ai abandonné à son armée moscovite. Tu sais pour ce genre de bonhomme, le régiment c’est tout ce qui compte ; ses soldats c’est comme ses enfants. Tu comprends pourquoi je n’ai pas eu de gosse…

— Pauvre petite soeur. Et donc tu es revenu au pays pour te changer les idées. C’est ce qu’il faut !

— Et toi, dis-moi ! Tu deviens quoi, à part animer les discothèques berlinoises ?

— Si tu veux tout savoir, je te dirais que je ne roule pas tellement sur l’or… « La voix synthétique de MIX se fait alors à hurler : « Salut à tous, bande d’allumés des nuits blanches. Vous êtes ici au Venus Palace, la boite la plus défoncée de la galaxie en compagnie de vos cyber-deejays préférés Mixou votre serviteur et Fred l’humanoïde qui est là-bas en train de taper un brin de causette avec cette charmante fräulein pendant que moi, je me farcis tout le boulot ! » et il enchaîne par une musique trance à déchirer les tympans d’un sourd.

Frédérick reste un moment à rigoler tout seul — c’est les symptômes du manque mêlé à la nervosité —, sa soeur le regarde mais ne dit rien. C’est alors que le gérant de la boite déboule sur eux et vocifère :

« Fred ! T’es pas payé pour draguer les clientes… Eh ! mais t’es complètement shooté ou quoi.

— Non non ! Ha ! Ha ! Ha !

— Bon écoute, voilà ton pognon. Tu dégages de suite, j’ai dit que je ne voulais pas de camé dans mon personnel. MIX est encore plus qualifié que toi pour faire ce boulot, à ta place, ça me foutrait les boules. Excusez-le Madame, il ne vous importunera plus, Herr Stoko va s’occuper de lui. »

Et Herr Stoko s’est occupé de lui. Frédérick se retrouve dans la rue avec trois cents Euros dans la poche et le fou rire.

Les gens passent à coté de lui, à pied ou en glisseurs; personne ne prête attention au jeune gars hilare qui se roule par terre. Mais un jeune agent de police tout juste diplômé vient s’enquérir de son état : « Dites mon brave, vous avez un problème ? » L’homme est grand. Mince. Il porte une arme. Une sorte de revolver qui peut tuer mais que les policiers règle généralement pour paralyser d’éventuels agresseurs. Avec cette arme et son uniforme, l’agent de police inspire le respect. Le respect du policier, pas vraiment de la loi. Car la loi, eh bien ! personne ne la connaît. On en parle mais ça demeure abstrait pour beaucoup de gens… Une fois, Frédérick est entrée dans une bibliothèque. Il voulait consulter le code de loi. Il a tapé un mot dans la case « RECHERCHER » sur l’écran, celui-ci lui a ressorti 35477 items correspondants au mot qu’il demandait. Ce mot était : « Bébé »

Frédérick, rieur, répond à l’agent : « Ha ! Ha ! Ouais ! pour sûr monsieur… Ha ! Ha ! Monsieur l’agent.

— Quel est-il ? Je pourrais peut-être vous aider.

— Ben, voilà ! Hi ! Hi ! Vous voyez ce grand noir, là devant la porte blindée de ce night-club… Ho ! Hi ! Hi !

— Oui, c’est l’ouvreur du Venus Palace.

— Ah ! Vous le connaissez, monsieur… Hé ! Hé ! l’agent.

— Non ! mais à en juger par son allure, je me doute que c’est un ouvreur.

— Hé ! Hé ! Eh Bien ! cet individu… — Herr Stoko, il s’appelle — Hi ! Hi ! Hi ! a osé porter la main sur moi. Ha ! Ha ! Ha !

— Cela ne semble pas vous avoir traumatisé beaucoup, citoyen.

— Ne vous fiez pas… Ha ! Ha !… aux apparences, monsieur l’agent. Mais… Ho ! Ho ! je suis complètement bouleversé… Hé ! Hé ! Hé ! » L’agent, motivé par le désir de servir ses concitoyens, part donc discuter avec le gros homme noir. Au bout de cinq minutes de discussion, il revient vers Frédérick, toujours tordu de rire. L’agent parait préoccupé.

« Votre cas est plutôt délicat, mon brave. Je ne devrais pas intervenir mais je ne peux pas vous laisser dans cet état. C’est un cas de conscience, vous comprenez. L’utilisation du mauve martien est tolérée en Europe de l’ouest, aussi je ne vous verbaliserai pas…

— Ha ! Ha ! Ha ! C’est trop gentil à vous… Hi ! Hi ! Hi ! Monsieur l’agent.

— Mais je pense que le meilleur service que je peux vous rendre, Monsieur, est de prévenir une ambulance pour qu’on vous emmène faire une petite cure de désintoxication. « Et à ce moment précis, une voix féminine se fait entendre dans dos du policier.

« Ne prenez pas cette peine, monsieur l’agent. Érika vient d’abandonner sa soirée et son ami Ivanovitch. Je suis en mesure de m’occuper de lui… Je suis sa soeur. Faites moi confiance, je vais le soigner. Pas vrai, Ludovick.

— Oui ! Hi ! Hi ! Hi ! Ha ! » Là, Frédérick explose complètement de rire et ne peut prononcer un mot de plus.

« Très bien, Frau…

— Essenine, Madame Érika Essenine. Voici ma carte. Tout est en règle.

— Très juste, je vous appelle un taxi, Madame. »

Un taxi glisseur s’arrête et embarque Érika et son frère qui, à ce moment là, a perdu connaissance.

L’agent de police les salue et reprend son chemin dans les rues de Berlin à la recherche de gens qui auraient besoin de son aide.

Quand Frédérick se réveille, il se trouve allonger dans une chambre d’hôtel quatre étoile. Sa soeur est près de lui : « Tout va bien, je t’ai tiré d’affaire. » Frédérick veut répondre mais il n’a plus de voix.

« Je te propose un marché, petit frère. Tu vas commencer par faire une bonne semaine de cure de désintoxication, ensuite tu viendras me retrouver. Ici. Je reste à Berlin quinze jours. J’ai un travail pour toi. C’est tout à fait dans tes cordes. Un boulot d’animateur dans une navette d’exploration spatiale. C’est cool, ça te fera voir du pays… Enfin je veux dire… Bon, bref ! Tu ne vas pas t’ennuyer, j’en suis certaine Ludovick. » Elle l’embrasse sur les lèvres et l’abandonne dans son lit où il sombre dans un sommeil sans rêve.

Le lendemain, il part chez son médecin qui lui prescrit pour trois cents Euros une semaine dans un des meilleurs hôpitaux de la capitale.

La semaine terminée, il se trouve embarqué pour la cité des étoiles de Moscou, le meilleur institut de formation au voyage interstellaire de longue durée de toute l’Europe. Un an plus tard, il se réveille à bord du Potship. Un jour plus tard, il n’arrive plus à bander et se cogne la tête sur les murs plastiques de sa cabine spatiale.

La voix de MIC Caesar III résonne dans la chambre. Frédérick, dans un moment d’énervement, a jeté l’écouteur, la machine ne peut donc plus communiquer discrètement avec lui.

« Écoute, vieux pote ! Ce n’est pas bien grave, ce qui t’arrive. Ce qu’il te faut, c’est un bon trip au mauve martien, qu’est-ce que t’en dit, mon gros ?

— Où veux-tu que je trouve une dose de mauve martien dans cette cocotte minute propulsée par des réacteurs nucléaires dernière génération ?

Eh ! gars ! Fais confiance à ton vieux pote Micky. J’ai une combine d’enfer pour le meilleur des junkys de ce vieux rafiot.

— Vas-y, Mr Tamborineman joue-moi ta chanson ! » dit l’homme, répétant les paroles de la chanson de Bob Dylan qu’il est en train d’écouter.

« Ça va être cool pour tous les deux. Un trip cybercosmique ! Ha ! Ha ! Ha !

— Ha ! Ha ! Ha ! »

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