C’était par une fin de journée blanche, un dimanche. Mon vieux phone se déclenche : driiiiiiiing… Je décroche et, après quelques minutes, j’accroche sur la voix plutôt auche et pas moche :
« Salut ! Voilà, ça peut te paraître bizarre mais, pas plus tard qu’hier, un ami de tes amis m’a parlé de toi par hasard et j’aurais aimé…
— Me voir !
— … à toi de voir. Bien sûr, si ton emploi du temps t’en laisse le temps.
— Si ! si ! Sûrement que si ! »
Les comms ça comme, ça m’étonne ! Le genre relation Minitel, rien de tel pour être désappointé quand tu te pointes au rendez-vous. Souvent, tu passes pour un tocard car la meuf du rencard est à mettre au rancart.
Mais comme je suis disponible et toujours sensible à ce qui est susceptible d’être comestible, je me décide, un peu rapide, et valide son intrépide proposition.
« Demain, près de la cabine téléphonique de la rue Copernic.
— Hum !
— C’est possible ?
— Splendide ! » je réponds un rien timide.
Le lendemain, les deux mains dans les poches, j’attends.
Le fantasme : Une bombe. Un mètre soixante-quinze, sûrement blonde ou plutôt brune, cheveux mi longs. Une créature de rêve codée 100-55-85. La pétasse a la classe et elle est pleine aux as. Rouleuse de galoches, la cloche roule en porsche ou plutôt en BM et elle m’aime ! Non ! Non ! Relaxe ! Elle s’amène en V-Max kiffante à max… C’est une superbe africaine ! chaude comme une panthère ! Une togolaise cacao ou une antillaise vanille ou une suédoise glace framboise ou une sud-américaine caféine ou une laotienne théine ou une kabyle mentholée… Parfait ! Parfois, par femme j’entends parfum !
La réalité : Au secours ! À peine un mètre soixante. Son code : 110-90-90. Pas très ragoûtante. Pas très attirante. Pas très… Si, si ! très bandante !
La relation que je relate fut relativement brève. Elle dura moins de deux semaines pendant lesquelles j’eus ma dose de choses qui encore aujourd’hui sont la cause de mon humeur morose.
A l’âge de lire OK magazine, la frangine championne de karaoké m’a mis K.-O. Elle a une voix qui laisse sans voix, tu vois ! Mais imagine ! elle frime ! Elle ferait mieux de faire un peu de gym, avec en prime un bon régime !
Je ne suis pourtant pas méchant avec celles qui ont un penchant pour le chant mais putain ! son air aguichant !
Yes ! J’encaisse, j’acquiesce puis la rabaisse et la blesse : « Toi, une princesse ? Mais cesse de jouer les gonzesses qui roulent des fesses ! » Je confesse : ça manquait de finesse ! Mais bon ! …
La vérité : Je l’ai prise pour une bonne prise et aujourd’hui, je réalise que je ne l’ai pas mise. Blues ! Comme un bleu, elle a tenté de me blouser. Je cafardise. La demoiselle se figurait avoir de l’emprise sur moi, mauvaise mise ! J’agis à ma guise, courtise et galantise pour une seule cause : un peu de zèle de la donzelle quand je le désire.
La farouche a pris la mouche ; vexée, elle s’est cassée ! Je l’ai cassée. V’lan ! Dans l’vent ! Du vent ! Qu’elle se vante ailleurs ! Ou qu’elle se vende ! Je ne veux plus la voir ! Ni entendre sa voix !
Flash-back : La félonne kiffait la fellation, félicitations ! Moi, finalement, je trouve ça futile et fallacieux préférant le coeur au cul, j’ai l’air con ! C’est le tic du poète critique qui tique sur certaines pratiques. Trop romantique, il décolle dans le décor, et, lorsqu’il s’attache au corps, cet homme au coeur d’or édulcore son discours. D’accord ! Mais de l’Amour, le réel est bien plus charnel, je dételle à cause d’elle.
Octobre 1995
Abdelkrim T'ngor © 1995 - 2025
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