De Méduse, elle a gardé la peau diaphane et claire. Son visage caressé par la brise marine et les idylles de voyages est d’une douceur que le sable fin des plages tropicales et des déserts sans fin ne peuvent égaler : on lui donnerait vingt ans.
Sa chevelure vivante ondule aux flux et au reflux des vagues. Parfois elle présente des reflets moirés, mais seulement les nuits sans lune et l’été, quand les étoiles scintillent au-dessus de la grève.
Me croirez-vous ? Son ventre est un atoll inaccessible qu’aucun navigateur à part moi, n’a pu approcher. Le murmure de sa voix lointaine pourtant, attirant, doux, lascif, promesse de nuits sensuelles en a leurré plus d’un ; leurs pauvres cadavres déchiquetés par les récifs et livrés des jours, des nuits entières à la voracité des bêtes des eaux écumantes, remplissent les morgues et les cimetières où s’élèvent les lamentations des femmes de marin trompées.
Ses yeux : abysses sans fond. M’y serai-je noyé dans la nuit si à chaque fois je n’étais sauvé par l’instant du réveil après l’étreinte ? À ce moment l’horizon bleu de son âme m’éblouit et dissout mon cœur. Silences pensifs, marques d’affection témoignent. Ah quoi bon parler ! Comprenez-vous qu’elle m’aime ?
Son long cou, qu’aucun glaive n’aurait pu trancher est l’un des mille piliers de l’Irem oubliée ; il a brûlé la bouche de jeunes prétendants trop pressés.
Elle habite mes songes, au fond des océans mythiques de mes pensées tourbillonnantes où d’antiques civilisations sur des continents aujourd’hui disparus ont rayonné jadis. Là-bas, elle a reçu son nom, royal, ancien, qui bruit comme les alizés dans les voiles. Je n’ai jamais pu le retenir mais le simple fait de l’entendre prononcé me remplit de bonheur.
C’est au contact des embruns que cette femme a acquis l’assurance froide dont elle se pare — elle apeure le plus intrépide, le plus batailleur des héros qui ne peut soutenir son regard — et cette divine fragrance qui moi m’attire, me confond comme les eaux troubles, ses lèvres de corail, les tempêtes qu’elle provoque… qui bercent notre amour.
janvier 1999
Abdelkrim T'ngor © 1999 - 2025
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