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Mer sentimentale

 

UN bel homme noir légèrement vêtu et une jeune femme soldat marchent main dans la main le long d’une plage. Le soleil au loin, rouge, caresse l’horizon.

 

L’homme

Pourquoi jeune femme gardes-tu l’uniforme ?
Il gâche tellement la beauté de tes formes !

 

La femme

Mais mon cher, la guerre…

 

L’homme

La guerre est finie. Regarde la mer,
Et le long du littoral,
Mon cœur sentimental.
Oublie l'âpreté des combats,
Rapproche-toi que je murmure tout bas.

 

La femme

Comme c’est étrange !

 

L’homme

Quoi donc mon bel ange ?

 

La femme

Eh bien ! tout cela, la douceur,
La mer et ce ciel aux subtiles touches de couleurs.
Et toi, je ne te connais pas non plus…
Pourtant dès que je t’ai vu,
Tu m’as tout de suite plu.
Tiens ! le sable est humide, il a plu.

 

L’homme

Peut-être mais à présent, le soleil se couche sur les grèves,
N’est-ce pas aussi beau qu’un rêve ?

 

La femme

Je rêve souvent de mon enfance
Quand j’errais seule sans espérance,
Dans ma triste cité de HLM blêmes
Aujourd’hui, cette vie… eh bien ! je l’aime !

 

L’homme

Écoute le flux et reflux des vagues,
Cela m’inspire…

 

La femme

… tes propos divaguent !
Crois-tu que la mer s’étend jusqu’ici ?
Penses-tu qu’elle caresse les blocs des técis ?

 

L’homme

C’est la conséquence de l’inconscience
Des hommes, des femmes et de la science,
Du développement des techniques
Qui engendra la grande panique.
Désormais, le ciel tire au vert,
La mer a décidé d’épouser la terre…
Ou est-ce à cause des enfants passés par les armes
Que les mères pleurèrent cet océan de larmes ?

 

L’homme et la femme s’arrêtent. Ils s’assoient sur le sable prêt de l’eau. Un goéland passe tout prêt du sol, puis reprend de l’altitude.

 

La femme

Que faisais-tu avant que la guerre ne débute ?

 

L’homme

Naguère, j’étais poète… sans but,
Rebuté par la mort des légions,
Sans idéologie, ni même de religion.
J’étais rêveur et idéaliste,
Tel un nomade altéré convoitant l’oasis, j’ai quêté l’oaristys qui au temps résiste.
Je me suis laissé porter par ton parfum vanille
De petite fille gentille, gentille…

 

La femme

Moi, avant, j’étais peintre engagé,
Dégagée des tabous et des sales préjugés.
Je taguais les murs et les portes des prisons
Malgré les blâmes, je savais avoir raison
J’étais une femme libre sans complexe,
J’aimais la compagnie des hommes et les histoires de sexe
Ne me faisaient pas fuir,
Pourquoi donc craindre un instant de plaisir ?
Jouir de la vie !
Est-ce mal de vivre ainsi ?
Après autant d’absence,
J’ai ardemment souhaité ta présence,
Ta belle couleur est comme celle des statues,
J’admire la plastique de ton corps dévêtu.

 

L’homme

Ta peau est douce, claire, diaphane
Elle contraste tant avec tes pensées profanes.
Mais tu me plais telle que tu es
Ton sourire, tes yeux et même tes idées !
À la tombée de la nuit nos esprits et nos corps
Se fonderont en un parfait accord.
Penses-tu que le soleil se couchera un jour ?

 

La femme

Éternel soleil couchant, toujours
Se mire dans la mer qui s’étire
Jusqu’aux portes de la ville martyre.

 

L’homme

Hélas, je regrette les nuits parisiennes,
Comme j’ai la nostalgie des poésies parnassiennes.
Passé les fêtes galantes je rentrais au petit matin…

 

La femme

Regarde au loin ! Le rivage est sanguin !

 

L’homme

Ce n’est rien, c’est l’éclat rougeoyant du soleil.
Je suis à tes cotés, n’aie aucune crainte ma belle.
La guerre est finie, terminée, achevée,
Les bêtes s’occuperont des restes crevés.
Toi et moi, sous l’éternel soleil couchant,
Nous bâtirons un monde fait de poésies et de chants.

 

La femme

Plus de champs de bataille
Où les cadavres s’étendent en pagaille,
Seulement les belles couleurs de l’arc-en-ciel
Rayonnantes sous le soleil éternel.

 

L’homme

Oui, sur cet astre, la terre
Qui ne connaîtra jamais plus de désastre planétaire,
Car nous sommes seuls au monde ô mon amour !
Et je souhaite… Pour toujours.

 

Ils s’étreignent sous le jour déclinant, quelques vagues sont venues jusqu’aux pieds du couple.

 

décembre 1995


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