Je cours, je transpire, je ne m’arrête pas, c’est une question de vie ou de mort. Il est 3h du mat et les rues sont désertes. Je cours, je ne m’arrête pas, je ne dois pas, non, question de survie. Il faut continuer. Je ne sens plus mon corps, plus mes jambes, je pique un sprint comme j’ai jamais fait. Pas de fatigue, non. Mon cœur bat à cent à l’heure et cette impression de ralenti me fait courir encore plus vite, le visage rouge couvert de sueur, mon corps palpite rempli de peur. Respiration difficile, c’est hard, je vais claquer, faut pas, faut continuer.
Derrière moi un homme court, c’est pas du genre à baisser les bras, il m’aura, il ne doit pas m’avoir.
- Putain de malade, casse toi!
Je gueule mais y’a rien à foutre et ça me fatigue, lui n’est pas fatigué, il est motivé, faut que je le perde, il doit se perdre, je dois absolument le semer. Dans sa main droite il tient une seringue, inutile de lui demander ce qu’elle contient. Je dois vivre, je dois survivre car je le veux! Je gueule, j’me calme, encore un effort, je remarque que j’ai pris une bonne longueur d’avance. J’arrive chez moi, faut encore sortir les clefs. Putain ce qu’elles sont longues à sortir du portefeuille ces clefs, tout en courant je les sors, laissant tomber le portefeuille avec tout ce qu’il contient. Cette clef, la voilà, je l’introduis dans la serrure et j’entends des pas de course, il arrive avec sa seringue, en un quart de seconde j’ouvre la porte et la lui claque en pleine gueule. Mon corps tout entier tremble, je ne tiens pas debout, je tombe. Le portable en main j’appelle les flics. Ce type est dangereux il pourrait piquer n’importe qui avec sa seringue.
- Venez vite s’il vous plaît, un homme me poursuit avec une seringue à la main, il cogne à ma porte. Je donne l’adresse, ils vont arriver dans pas longtemps. Le mec frappe, il gueule à la porte.
- Sale pédale, je suis sûr que tu te fais trouer et mettre ta race sans capote, poufiasse de pute de tafiole! Moi c’que je veux t’faire ça te fera moins mal qu’une bite dans le cul! Remarque t’aimes ça la bite, hein? Tafiole de pute de pédale! Je monte les marches comme une zombie, je tombe, je me relève, j’entends les insultes du mec, ça ne me fait ni chaud ni froid, je ne ressens plus aucune émotion.
- Putain de sale pédale de fils de pute! Je vais t’arranger ton cul, à la tronçonneuse! Ramène moi ton cul connard de poufiasse. T’aimes ça la bite? Je suis sûr que tu suces et que t’avales, hein? T’aimes ça avaler hein, c’est ton kif!
Les flics finissent par arriver, un coup de baston et le mec est menotté par terre. J’espère qu’il n’a blessé personne avec sa seringue. Ca gueule encore… ça y est, c’est bon, il n’est plus là. Devant la porte de mon appart je tiens ma clef, ma main vibre comme un portable, j’ai du mal à insérer cette clef dans la serrure, je suis claqué, cassé, détruit. Putain je ne vais jamais m’en remettre. La porte s’ouvre, je rentre, je la referme à double tour, on ne sait jamais. Le pire c’est de penser que le mec sait où j’habite , et puis il a peut-être des potes comme complices. Même si ce mec va en taule, il n’y restera pas longtemps, puis s’il y est, je ne serais pas rassure. C’est presque ma voisine la prison, c’est à deux pas d’ici, il peut toujours s’évader et venir me faire un petit coucou.
- J’en veux pas de ton coucou espèce de tarré! Dans ma tête, ça cogite, j’arriverai pas à dormir. Assis sur le canapé, je m’aperçois qu’il me reste une demi bouteille de whisky, je la bois par grandes gorgées au goulot. Même ça, ça me fait pas grand chose. Quelle nuit de merde! Ah tu voulais vivre dans une vraie ville digne de ce nom, des boîtes ouvertes sept jours sur sept, des bars de nuit qui ferment tôt le matin, des magasins super branchés et tout… Ouais, mais y’a pas que ça. Bienvenue dans le noir urbain.
Franck Dutrieux © 2004 - 2025
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