"Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain;
Cueillez dés aujourd'huy les roses de la vie"
Ronsard
CE matin tu te lèves, et t'admires dans la glace de la salle de bain. Au dessus du lavabo, ton visage crie "gueule de bois", et là tu te prends à rêver...
- Ah... si j'avais un visage stéréotypé du beau gosse parfait qui séduit avec un grand S, je ne serais pour sûr plus seul à passer mes soirées, le cul posé sur le canapé, la bière à la main.
- Tu peux le devenir si tu c'est ce que tu souhaites...
La voix te fais légèrement sortir de ton état comateux.
- Qui a parlé?
- C'est moi.
- Qui ça "moi"?
- Ton Beau gardien.
- Mon Beau gardien?
C'est alors qu'un jeune homme très séduisant apparait devant toi, le visage bienveillant.
- Sur chaque homme pas terrible physiquement, veille un Beau gardien, il suffit de le savoir. Nous avons été créé par Céfortça, la déesse urbaine des cosmétiques, et sommes en charge d'embellir les mecs qui ne rentrent pas dans nos critères.
L'air dubitatif et légèrement moqueur, tu lui réponds : "ah ouais, et c'est quoi au juste vos fameux "critères"?"
D'un coup de baguette magique, ton beau gardien te transforme en... stéréotype du parfait beau gosse.
Vu que t'es homo et que maintenant t'es beau, profites bien de la vie garçon, comme disait Ronsard, " cueillez dès aujourd'hui, les roses de la vie". Puis il disparait, te laissant avec cet aspect physique transformé.
Ton premier coup d'oeil dans la glace te fout une grosse gaule tellement t'es bandant. Le tein mâte, ton visage ressemble à celui d'un très beau méditerrannéen, une divinité grecque ou latine, en tout cas quelque chose de très séduisant. Ton corps est svelte et musclé, pas un pète de graisse, tes vêtements sont somptueux et branchés. Dans ta chambre tu peux savourer la générosité du Beau gardien, il t'a non seulement donné un corps d'Appolon, mais en plus il t'a laissé une garde robe de rêve. Costumes noirs haute coutures, vêtements de sport très cher, tenue de ville, superbe veste et... des billets plein les poches!
- Qu'est-ce que j'ai pris comme produit hier soir pour me foutre dans cet état là? te dis-tu. Je dois encore être en train de rêver, une bonne douche et ça ira mieux. Mais le rêve n'en était pas un, la douce et riche réalité divinement offerte par le messager de la divinité est bien réelle. Te voilà beau, bien habillé et plein aux as. C'est sous la douche que tu pousses un cri de joie, ourraaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh j'ai fini d'être incasable et de vivre dans une ville de gros cas soss', à moi le chéri, les câlins, la séduction et surtout l'AMOUR !!!! Je vais enfin le rencontrer, du haut de mes encore jeunes vingt-quatre ans, je vais enfin connaitre les plaisirs normalement importants à mon âge.te dis-tu.
Ce week-end tu prends le train en direction de Paris, le marais. Dans tes poches tu as de quoi vivre un week-end de prince, et tu loues une suite somptueuse dans un palais portant la motion "hôtel". Ah, le Paris des touristes, celui du romantisme, de l'amour et de la vie douce. La légèreté de l'air printannier met tes sens en éveil, tu t'achètes un bon parfum et t'asseois à la terrasse d'un bar très branché dans le quartier gay, le marais. C'est alors qu'une sensation nouvelle s'offre à toi, le fait que les hommes te regardent, et même avec admiration et non dédain comme bien des fois auparavant. Il est 20h, tu es assis depuis seulement cinq minutes qu'une très beau garçon italien s'approche de toi, avec un délicieux accent.
- Tu es seul? te demande-t-il.
- Oui.
- Mama mia, mais comment c'est possible qu'un garçon avec de si beaux yeux bleus et un si joli visage soit ici seul. Je peux t'offrir une coupe de champagne?
Avec un grand sourire, tu lui réponds, je ne prends que tu très bon champagne, du Don Pérignon.
- Mais bien sûr, c'est évidemment ce que je t'offre, eh tu me prends pour un pauvre ou quoi bel ange?demande-t-il avec sourire
- Non, bien sûr que non. réponds-tu. Bleus...j'ai les yeux bleus??! Merci l'ange gardien! penses-tu.
L'homme qui t'offre un verre n'a pas trente ans, il s'appelle Paolo Di Angelo et il est sicilien. Il est accompagné d'un groupe de dindes italiennes, enfin des mecs, tous pédés bien sûr. Mais vu que t'es un beau gosse maintenant ils t'invitent dans leur groupe, et intérieurement tu hurles de rire de t'asseoir avec eux. Ces dindes parlent de mode, shopping, maquillage pour hommes, beaux gosses, bien sûr elles sont toutes en couples avec leur chéri depuis plusieurs années, etc... Sauf Paolo qui est un mec viril et seul... le pauvre... n'est-ce pas? Pourtant il mérite l'amour, c'est évident, et toi tu es seul? Oui, ah ben tu serais bien avec Paolo, tu es vraiment beau tu sais, et tu viens d'où? Bien sûr tu réponds pas je viens des côtes d'armor et tu réponds la riviera, mais que tu préfères Paris parce que c'est plus fashion...
Elles sont toutes d'accord avec toi, mais vu que t'es un beau gosse tu pourrais dire n'importe quoi qu'elles seraient toutes d'accord avec toi.
Paolo t'invite seul dans un autre bar très branché.
- Viens on sera plus tranquille, ce sont juste des connaissances, ces dindes ne sont pas vraiment mes amis, je suis plutôt du genre solitaire, je suis commercial chez une grosse marque de voitures, tu aimes les Bentley?
- Oui j'adore.
Si tu veux on vas faire un tour de Paris by night, champs-élysées, avenue montaigne, neuilly-sur-seine... on roule pas mal, il n'y a pas beaucoup de circulation à cette heure là. Il est vingt-deux heures, superbe dans tes vêtements branchés mais élégants, lui magnifique sicilien brun, bronzé, musclé et riche, tu as honte de profiter de plaisirs aussi futiles et honteux, mais la honte a un goût de luxe et le luxe c'est agréable. Vous vous embrassez fougueusement garés dans un parking à l'abri des regards.
Il faut que je te présentes à mes meilleurs amis, te dit-il. Et vous roulez encore pour retourner dans le marais.
Un autre bar branché rempli de stéréotypes de beaux-mecs, des célébrités et autres dindonitées...
- Salut Fabrizio, comment vas-tu? Je te présente mon chéri. Je l'aime à en mourir, oui c'est pour la vie...Tu croises des regards endiablés de putes gaies en chaleur, partout où tu passes tu peux lire dans leurs yeux, "vas-y défonce moi par tous les trous!" ," ma langue est super gourmande", "j'ai une bouche viens t'y garer...", "salut beau gosse je t'en prie fais-moi l'amour!!". Tu ries quand tu penses à toutes les culs que tu peux bourrer, les pipes qu'elles peuvent te faire, l'exstase dégénérée de ces folles en chaleur quand tu leur rentre dedans.
Mais Paolo t'embrasse dans ce bar branché rempli de monde, la musique house bat son plein et il réserve une table pour vous deux et quatre amis, tous très beaux physiquement, homosexuels et très cons mentalement. D'une futilité et d'une idiotie hilarantes, mais on a pas le droit de rire quand on est beau et populaire, on ne peux que baiser et être blasé...
Il est vingt-trois heures-cinquante-huit en le beau serveur sert le champagne à tous ces beaux mecs attablés dont tu fais partie. Paolo lève son verre à son nouveau chéri qu'il espère pour la vie et vous trinquez, il t'embrasse amoureusement. Mais minuit arrive toujours trop vite, et le carrosse redevient toujours citrouille, le charme du Beau gardien prend fin et tu reprends ton aspect initial, dans tes vêtements initiaux, c'est-à-dire très banals. Paolo pousse un cri et te repousse violemment en arrière, ses amis crient aussi.
- Ah mais qu'est-ce-que c'est que cette horreur? Mais qu'est-ce-qui t'est arrivé? Mais ça va pas? CA VA PAS DU TOUT!!!!!!
Et tu t'enfuies en courant, en sortant du bar tu tombes nez-à-nez avec le Beau gardien, qui te dis l'air narquois, "Oups, j'avais oublié de te dire que le charme avait une fin, je vais aller me prendre un verre moi qui suis beau! Et oui moi aussi je suis gay et je vois la vie en rose!". Tu pars en courant, tu cours tu cours, le beau gardien est pédé, mais les pédés sont des putes.
Franck Dutrieux © 2007 - 2025
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