DOCTEUR, vous me demandez toujours ce qui m'a incité la première fois à dealer. Je saurais pas trop vous répondre. Vous savez aussi bien que moi ce qui fait tourner le monde : le fric, le cul. Ouais ! C'est peut-être bien pour le cul. Ça me rappelle un truc, une petite anecdote concernant ma vie sentimentale.
J'ai pas de copine, vous savez bien. Ça m'empêche pas de balancer un coup de quéquette à droite à gauche de temps en temps. D'une manière générale, je traîne seul. Des fois je croise des potes. Je dis des potes mais c'est juste ouèche ! salut ! comme ça en passant. Un soir, je croise deux connaissances : Mounir et Michaël. Je venais juste de débuter dans ma carrière, je dealais quelques barrettes de shit et un peu d'herbe ; on peut pas dire que j'avais de quoi niquer le bénéfice, je roulais pas sur l'or mais j'me faisais assez de blé pour tenir jusqu'à la fin du mois. Donc, ils viennent pour me taxer une barrette. Comme je les envoie chier, ils finissent par cracher la tune. Ensuite Michaël se met à me raconter que si ça me dit, il connaît une meuf qui habite au 14 qui pour un joint te taille une pipe et si je mets un peu plus elle se met à quatre pattes. Michaël, il a toujours des trucs à dire, des arnaques à proposer. et des gonzesses à tirer. Je lui réponds que je suis pas vraiment intéressé, que je crois que pour un joint à quinze balles, une meuf va pas se mettre à faire des gentillesses à un type même si elle est accro. Je lui dis qu'il peut garder ses mythos pour des petits chinois comme lui. Et là-dessus je les plante tous les deux sur place : j'évite de causer trop après ils finissent par vous manquer de respect. Le hasard a voulu qu'en rentrant de ma tournée vers une heure du mat, je croise encore ces deux lascars. Et v'là que Michaël me retape son histoire de tout à l'heure et il me dit que j'ai qu'à juste venir pour les voir prendre leur pied. Je sais pas pourquoi mais je les ai suivis.
Je m'assois sur les marches de la cage d'escalier pendant que les deux « M » sonnent à la porte de la pute. Elle met un certain temps à ouvrir. Elle doit dormir. Je vois une fille d'environ vingt-cinq ans, pas trop moche, un peu endormie sur le pas de la porte. Elle est brune, vaguement typée, genre du sud. Elle grince deux trois mots qu'elle veut voir personne, que sa petite fille dort et qu'on est vraiment con de sonner à sa porte en pleine nuit. Alors Mounir lui tend deux pétards en lui glissant tout bas quelques mots que je comprends pas. Elle hésite un peu en regardant en arrière puis elle sort sur le palier en refermant sa porte pas complètement. Michaël défait son froc et v'là que la meuf se met d'abord à le branler puis elle place sa petite bite de chinois dans sa bouche. Deux trois mouvements et le Chinois commence à gémir comme un fauve. La lumière s'éteint. Quand Mounir la rallume, le petit chinois a déjà fini. La fille est en train de cracher sur le carrelage moucheté du palier. Mounir, il attend pas qu'elle ait fini, il lui place son gros zboub dans la bouche et se lance dans un mouvement de va-et-vient. Ça dure plus longtemps. Je m'allume une clope et je continue à les mater. Michaël a remis son froc et pendant que la fille s'acharne sur Mounir, le petit en profite pour lui peloter les seins. La lumière s'éteint, je me lève pour la rallumer. Mounir est vachement long. Je me dis que ça serait vraiment marrant que le gars d'en face ouvre la porte et se mette à gueuler qu'on fout le bordel. Le mec en face, il doit sûrement mater aussi. Pas la première fois que la salope s'adonne à faire des turluttes à tous les merdeux du quartier. Mounir se met à accélérer le mouvement, il tient la tête de la fille à deux mains, je me dis que la fille doit souffrir grave. Elle aura plus de bouche si ça continue. Faut vraiment être con pour faire ça pour si peu. Un joint. Elle doit aimer ça, pas possible autrement. Michaël a dû se lasser de peloter la fille, il vient s'asseoir à côté de moi. Il me demande si ça m'excite de voir ça. Je lui réponds que vachement mais que je vais pas m'attarder trop longtemps parce que Mounir, il est vraiment trop long à jouir et moi, je suis crevé. Je me lève et c'est à ce moment que Mounir se met à gueuler comme un bœuf. La fille se retire, elle se prend une tonne de béchamel en pleine gueule. Ça me fait sourire. Pas longtemps, car à la porte qui s'est entrouverte, je vois une petite gamine d'environ cinq ans pas plus qui se tient debout en regardant sa mère, avec deux grands yeux noirs clignotants. Ça craint, je me dis. J'écrase mon mégot et je me casse. Pas envie de rester. Plus envie de mater. Je suis rentré chez moi et avant de me coucher, je me suis branlé.
J'ai continué à dealer dans la cité quelques années ensuite moi, Brad mon pit et mon scooter, on s'est expatrié sur Paris. Dans ma clientèle, j'ai toute sorte de mecs et de gonzesses, même les petits fils à papa du 8e viennent me voir. J'ai des relations. On me respecte. Un jour, en semaine, j'étais installé à une table au Mac Do de Place d'Italie. Dehors : soleil d'automne, la place pleine de monde, mon scooter avec mon klebs accroché ; moi, j'écoutais à la table d'à côté un daron avec son môme se faire draguer par une poulette black d'une vingtaine d'années. Le daron hésitait vachement, y avait pourtant pas de quoi, la meuf était vraiment bonne. J'écoute plus parce qu'alors un zombie vient s'écraser à ma table en face de moi. Un café noir à la main. Une gonzesse, yeux défoncés, cheveux emmêlés, sapée toute crade. J'aurais pas eu la crève et le nez bouché, je suis sûr que j'aurais été asphyxié. Je me suis demandé comment cette clocharde, elle avait fait pour commander un café tellement elle avait l'air starshoot. Elle m'a même pas calculé, la paumée. Je l'ai regardée, j'avais envie de changer de place, pouvais pas supporter d'avoir ce cadavre à ma table. Et je l'ai reconnue : la pute du 14. J'avais entendu dire qu'elle avait déménagé, qu'elle était passée de la fumette à des trucs plus durs, genre coke, héroïne, crack. Voulez savoir docteur, ce que j'ai ressenti ? C'était pas de la pitié, pour cette meuf. c'était de la haine. Envie de lui foutre des coups de pieds dans la gueule. La faire dégager, qu'elle aille traîner sa carcasse ailleurs ! Crevarde de la vie, va crever ailleurs ! Moi, j'étais pas responsable ! Ni moi, ni personne ! Je culpabilise pas docteur, après tout, c'était sa faute, à elle.
J'allais me casser, elle a levé sur moi deux yeux stones, noirs comme du carbone. Elle a ouvert la bouche. Elle me demande. Je fouille mes poches et je lui jette ce que j'ai : un joint. Je me dirige vers l'escalier qui mène aux chiottes. Je descends. Je pousse la porte : personne. La toxico vient me rejoindre. On s'enferme dans la cabine. Je défais mon jean. Elle me pompe, elle fait ça vraiment bien. Plus la haine, maintenant ! Je crois bien que j'ai dû la remercier quand elle a fini.
Abdelkrim T'ngor © 1999 - 2025
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