Anonyme Anonyme - Connexion - Membres : 210 • Visiteurs :  / Aujourd'hui :  • En ligne : 83
Connexion :  
Se souvenir de moi Mot de passe oublié ?
Pour devenir membre, Inscrivez-vous Inscrivez-vous

  Lui, c'est le capitalisme. Ce qu'il aime bien, c'est la croissance, l'argent, les profits, la rentabilité, les dividendes, les délocalisations, les licenciements massifs, les bourses mondiales – des bourses qui sont bien pleines et qui pendent bien bas –, puis il aime bien les crises une fois de temps en temps, mais pas plus souvent, parce que sinon ça fait trop de crises ; il préfère utiliser les ressources naturelles aux salariés, bien qu'il aime aussi user les salariés. Il aime les patrons, bien sûr
  Les patrons, eux, ce qu'ils aiment, c'est la croissance, l'argent, les profits, la rentabilité, les bas salaires, les lois de libéralisation des marchés, la privatisation ; ce qu'ils n'aiment pas, c'est les nationalisations, sauf quand ça les sauve de la crise, ils n'aiment pas non plus les salaires minimum, les grèves du personnel, les manifestations, les cours incertains des matières premières, les émissions culturelles et les cerveaux actifs. Ils aiment en revanche les publicités, les cerveaux disponibles, la connerie humaine, et ils adorent l'exploiter.
  La connerie humaine, elle, elle se délecte de pas mal de choses : elle aime bien la télé réalité, les publicités qui nous vendent un « produit Schmululumulu bien meilleur que le produit X », les clips qui vendent plus l'image de deux seins que le son du rythme binaire, les gadgets en tous genres, les ordalies qui arrivent elles aussi à se vendre, la drogue, le gaspillage ; la connerie humaine, en revanche, n'aime pas la réflexion et n'aime pas l'éducation.
  Elle, c'est l'éducation, elle aime bien former les jeunes à un avenir, elle aime bien dire aussi que l'avenir ne pourra être que dur et qu'il faudra s'y adapter et se battre.
  Elle, c'est la compétition, elle aime bien les adolescents mâles, les entreprises cotées en bourse et même celles qui n'y sont pas, elle aime bien le capitalisme, elle aime bien le penchant naturel qu'ont les hommes pour elle.
  Les hommes, eux, ils aiment bien l'argent, la richesse, le luxe ; ils n'aiment pas le chômage qu'ils subissent, la misère qui les affecte, les conflits dans lesquels ils sont victimes ; ils se contrefichent des situations où ils ne perdent rien, et où ils ont même l'impression qu'ils y gagnent à ne rien changer : ils s'accommodent très bien des conflits armés qui se passent dans d'autres contrées, ils trouvent naturel, dans le sens où Malthus et Darwin ont théorisé tout ceci il y a deux cents et cent cinquante ans, qu'il y ait des gens qui soient plus que dans la merde. Le chômage du voisin doit être mérité, puisqu'ils ont pour leur part réussi à garder leur boulot. Ils aiment moins quand ils se retrouvent dans la même situation que le voisin.
  Lui, le voisin, je ne sais pas trop ce qu'il aime. En fait, je me rends compte que je ne sais pas du tout ce qu'il aime : c'est un voisin, je ne le connais donc pas trop. En tout cas, je sais qu'il est au chômage et je peux vous dire qu'il aime ça, tellement il en profite toute la journée, à ne pas en foutre une.
  Le chômage, lui, il aime bien les plans sociaux, les délocalisations, les innovations technologiques destructrices d'emplois, les crises, les soixante heures par semaine, les nouveaux venus sur le marché du travail, les chômeurs de longue durée.
  Le chômeur de longue durée n'aime plus rien. Il n'aime surtout pas son dernier patron qui l'a viré. Il n'aime plus l'ANPE. Si, il aime la télé, avec sa télé réalité, mais pas le journal télévisé où l'on parle de lui.
  Le journal télévisé, lui, aime bien les conflits armés, les périodes pré-électorales, les soirées électorales, les incidents notoires du coin, les retards de train, les carambolages, les cambriolages, les exploits ou les ratages d'atterrissages, les vacanciers qui partent à la plage. Il n'aime pas vraiment les débats, il aime bien son objectivité bien à lui.
  Les vacanciers qui partent à la plage aiment bien ce qui leur reste de pouvoir d'achat, aiment bien l'emploi qu'ils ont réussi à conserver, aiment bien griller aux UV, aiment bien passer à la télé pour le journal télévisé du mois de juillet, mais ils n'aiment pas les bouchons causés par tous ces connards d'automobilistes.
  Les automobilistes, eux, tout d'abord, ils aiment bien leur voiture, sans laquelle il ne serait rien : il faut rendre à César ce qui est à César, et à la voiture ce qui est à la voiture. Ils aiment sans le savoir les prix bas du pétrole, ils n'aiment pas la hausse du prix des carburants, ils aiment pouvoir draguer une belle jeune fille avec leur jouet rutilant et séduisant, ils aiment la liberté des grands espaces qu'ils détruisent dans le même temps, ils aiment bien la route et l'american way of life.
  Lui, l'american way of life, il aime bien le pétrole, l'avion qui réalise le plus grand rêve de l'homme, la publicité, la culture uniforme, l'électricité, l'argent, l'automobile, l'ordinateur, le téléphone cellulaire, le lecteur MP3 de marque biiiiiiiiiiiiiip, les disques Blu-ray, la nourriture largement suffisante, les armes à feu, les travailleurs mexicains dans les champs, la finance.
  La finance, elle, elle aime bien être aidée par les États qui prennent peur, elle aime bien quand on dit d'elle que « c'est le sang de notre économie », elle aime bien la création monétaire, elle aime bien les arnaques les plus grandes qu'on ait jamais imaginées, elle aime bien l'argent, elle aime bien la croissance, elle aime bien la spéculation, elle aime bien les bulles et elle aime pas trop les bulles qui éclatent sans son avis. Cela va sans dire, mais elle aime bien le capitalisme ! Elle aime bien la confiance des investisseurs et des consommateurs.
  Les consommateurs, eh bien, on a l'impression qu'ils aiment bien ce monde, qu'ils aiment bien le capitalisme, qu'ils aiment bien se faire avoir, qu'ils aiment bien être le dindon de la farce. Quelle farce, non !
  Le capitalisme, lui, aime bien se regarder dans un miroir et se contempler en se disant qu'il est   vraiment bon séducteur, avec tous ses gros muscles, ses pectoraux, ses abdominaux, des vraies tablettes de chocolat qui font comprendre qui c'est le plus fort. Le plus fort, ça va, il aime bien, du moins il les accepte, les plus faibles tant qu'ils le restent. Une véritable étoile montante, ce capitalisme.


Télécharger l'œuvre au format papier (PDF) Télécharger l'œuvre au format papier (PDF)